L’Éthologie chez le cheval

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Le comportement du cheval domestique est très proche de celui qu’il adopte à l’état libre, L’observation des équidés sauvages est donc riche d’enseignements pour qui veut comprendre les chevaux et les soigner d’une manière appropriée, La science de l’éthologie consiste à observer comment vivent les chevaux dans la nature et à mieux cerner leurs besoins comportementaux. L’éthologie consiste donc aussi à étudier le comportement du cheval en liberté et même de reproduire les attitudes naturelles du cheval dans sa façon de se nourrir à l’état sauvage.

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L’éthologie : le comportement du cheval en liberté

Les définitions de l’éthologie sont nombreuses, car ce champs ne touche en effet pas uniquement le monde équestre.

L’image d’Épinal de l’étalon noir régnant sur un immense troupeau de chevaux sauvages est trompeuse. Dans la nature, la structure sociale de base d’Equus caballus serait plutôt la famille ou, plus exactement, le harem. Les groupes les plus communs sont constitués d’un étalon adulte, entouré de une à cinq juments (selon la force et l’adresse du mâle) suivies de leurs poulains (les foals, les yearlings de l’année précédente, les 2 ans et parfois quelques 3 ans). Chaque famille compte donc de 20 à 30 individus.

On rencontre également des groupes de jeunes mâles célibataires. À l’âge de 2 ou 3 ans, les poulains sont évincés de la famille par leur père. Ils se rassemblent alors au sein de groupes de deux à une petite vingtaine de célibataires (les groupes de quatre sont les plus nombreux). Au sein de ces hardes, on rencontre des poulains de 2 à 5 ans, mais aussi des chevaux adultes trop faibles ou trop vieux pour conquérir ou entretenir une famille.

Les chevaux détestent la solitude ! Le mythe du vieux mâle solitaire n’a pas cours chez eux. Même, les étalons les plus âgés, ceux qui ont perdu toutes leurs compagnes, passent moins de 35 % de leur temps seuls. Quant aux jeunes mâles ou ceux dans la force de l’âge, ils ne supportent pas la solitude plus de 2 à 8 % de leur temps. Isoler nos étalons domestiques constitue donc une hérésie du point de vue de l’éthologie !

L’éthologie chez la jument et étalon

Lorsqu’il s’agit de conquérir leurs premières juments, il arrive que 2 célibataires unissent leurs forces. Mais les familles qui comptent plus d’un étalon ont une espérance de vie bien plus courte que les familles mono patriarcales.

Les harems équins ne sont, en effet, pas très stables. Les juments, surtout les plus jeunes, ont tendance à changer de groupe assez facilement. L’étalon doit donc faire des efforts pour empêcher ses plus jeunes conquêtes de suivre le premier venu. Tel un chien de berger, il ramène prestement au bercail celle qui tente de filer à l’anglaise. Il adopte alors la posture caractéristique du guidage. Il abaisse fortement sa tête et son encolure, les oreilles en arrière, et dirige sa belle par l’arrière. Cette activité de rabattage, que d’aucuns qualifient de “machiste”, s’avère très prenante pour les chefs de harde.

Le père de famille doit également défendre ses compagnes des tentatives de rapt qu’exercent les autres mâles. C’est alors l’occasion des fameux combats d’étalons. Ces joutes sont plus fréquentes au printemps, lorsque les juments redeviennent réceptives après le poulinage. L’issue de ces combats reste souvent obscure pour l’observateur humain. Les chercheurs en éthologie avouent souvent ne pas savoir déterminer quel est le vainqueur, du sultan en place ou de son challengeur. La férocité de ces affrontements entre étalons n’a d’égale que l’indifférence des juments qui sont l’enjeu du duel. Les membres convoités du gynécée continuent de brouter, comme si de rien n’était. On est donc dans des comportements parfois bien différents que celui des chevaux au sein d’un centre équestre ou d’un élevage.

L’éthologie dans la façon de nourrir son cheval

Il faut dire que chez les chevaux, se nourrir est une activité à plein temps… avec des heures supplémentaires. Toutes les études relatives à l’éthologie le montrent : les chevaux passent près de 60 % de leur temps à manger, soit de quatorze à seize heures par jour, en fonction des qualités nutritives de l’herbe. Les équidés semblent pré- programmés pour grignoter ainsi toute la journée et une bonne partie de la nuit. C’est la raison pour laquelle, ils attrapent des fourbures lorsqu’on les fait pâturer dans des herbages trop riches. Aucun sentiment de satiété ne semble venir interrompre leur interminable repas.

Ce paradoxe apparent est lié à la spécificité des chevaux. Leur niche écologique, celle qui a déterminé leur évolution, est la steppe : une grande étendue à la végétation pauvre. Le cheval s’avère moins efficace que les ruminants (comme la vache) lorsqu’il s’agit de convertir la cellulose des plantes en énergie. Il dispose toutefois d’un joker : il peut passer beaucoup plus de temps qu’eux à manger (en fait, il n’a pas le choix), car il n’a pas besoin de ruminer. C’est la raison pour laquelle les équidés peuvent vivre dans des régions trop arides pour les bovins. Les chevaux disposent en outre d’une seconde carte qui leur permet de survivre dans des régions inhospitalières, comme le désert du Nevada : ce sont des surdoués de la course d’endurance ! On a longtemps cru que le moteur de l’évolution ayant poussé les chevaux à grandir et à marcher sur la pointe d’un seul doigt était la pression exercée par les prédateurs. Plus les loups couraient vite, plus les chevaux devaient courir vite pour leur échapper… En fait, il semble que ce n’ait pas été le seul facteur de sélection. Le besoin de trouver de la nourriture nécessitait sans doute la capacité d’effectuer de grandes migrations (comme aujourd’hui les gnous du Kenya et de Tanzanie). Seuls les animaux les plus grands et les plus doués pour se déplacer rapidement à moindre coût énergétique auraient survécu. C’est peut-être la raison pour laquelle le cheval est le seul mammifère qui soit aussi fort, aussi rapide et aussi endurant à la fois.

L’éthologie et le cheval à l’état sauvage

Le fait est qu’aujourd’hui les chevaux ne sont pas territoriaux. Ils ne défendent pas leur propriété privée contre les autres représentants de leur espèce comme le font les ânes, les chiens ou les chats, par exemple. Ils ne sont pas attachés à la terre ! Au sein des maigres espaces que leur concède l’humanité dans les grands parcs américains ou dans le bush australien, les chevaux retournés à la vie sauvage circulent encore beaucoup.

Ils passent au moins deux heures par jour à marcher d’un point à un autre et se déplacent continuellement tandis qu’ils pâturent. On estime, selon l’éthologie, que les chevaux libres parcourent en moyenne quelque 20 km par jour, avec des pointes de 80 km quotidiens lorsqu’il leur faut trouver de l’eau. Il est intéressant de noter que c’est alors souvent la plus vieille jument du groupe qui guide les siens, en tête de la file indienne caractéristique des processions de chevaux. L’étalon ferme plutôt la marche, pour vérifier que tout le monde suit. Compte tenu du temps qu’ils passent à se nourrir et à se déplacer, les chevaux ne disposent que de peu de temps pour le repos : à peine cinq à six heures par jour. Pour des proies potentielles, dormir est dangereux !

Les membres d’un groupe assurent donc une sorte de tour de garde au cours duquel il y a toujours un animal debout, aux aguets, tandis que les autres dorment. D’autre part, comme la plupart des prédateurs chassent la nuit, le cheval a intérêt à être noctambule. Et de fait, les chevaux libres passent 60 % de leurs nuits éveillés.

Le sommeil du cheval peut se décomposer en 3 phases distinctes, réparties entre la journée et la nuit. Parfois, ils se contentent de somnoler debout, un postérieur au repos. Mais pour dormir véritablement les chevaux ont besoin de se coucher. Ils prennent leur sommeil lent (sans rêve) couchés en vache (en décubitus ventral), par courtes périodes de quelques dizaines de minutes, dont le total atteint tout juste trois heures par jour. Les plages horaires de sommeil paradoxal sont encore plus courtes et plus morcelées puisque le cheval en prend environ 9 par jour, par périodes de cinq minutes. Lorsqu’il rêve, il est complètement relâché et étendu de tout son long sur le côté (en décubitus latéral). Il n’entend plus rien et dort de son sommeil le plus profond. Son statut de proie lui interdit de s’abandonner aussi totalement aux bras de Morphée pour de plus longues périodes.

L’éthologie et l’observation d’une hiérarchie complexe chez les chevaux

Au sein des familles, le système hiérarchique est plus flou, plus subtil et plus complexe qu’on ne l’imagine. Lorsque l’on se nourrit d’herbe, l’accès à la nourriture ne nécessite guère de compétition entre les membres de l’espèce. En revanche, le fait de passer des années côte à côte forge de solides amitiés. L’éthologue Marthe Kiley-Worthington souligne que chez les chevaux, les comportements amicaux et pacifiques sont beaucoup plus fréquents que les réactions agressives. Néanmoins, lorsque l’accès à la nourriture et ou à l’eau est restreint, il s’établit une hiérarchie basée sur l’agressivité au sein des groupes de chevaux. Ce sont alors souvent les juments les plus vieilles qui sont prioritaires sur les plus jeunes.

Certaines poulinières autorisent parfois quelques tétées à leur yearling. Le poulain profite ensuite de l’exemple de ses deux parents jusqu’à sa troisième année. Il a également l’occasion d’apprendre à respecter ses aînés qui ne se gênent pas pour le remettre fermement à sa place, lorsqu’il se montre trop envahissant. Par opposition, le sevrage brutal que l’on pratique avant 6 mois dans les milieux de l’élevage paraît inutilement traumatisant. D’autre part, le fait de parquer les poulains ensemble, à l’écart des adultes, les prive du rôle éducatif de ces derniers et risque d’en faire des chevaux mal socialisés et surtout mal élevés…

Autre divergence criante entre le mode de vie naturelle des chevaux tel que mis en avant par l’éthologieet celui qu’on leur impose : la saison de monte. Dans la nature, les juments entrent en chaleur de la fin du printemps à la fin de l’été (d’avril à octobre). Pour les Haras Nationaux, la saison de monte pour les chevaux commence en février et se termine mi-juillet, soit avec un décalage de presque trois mois comme dans tous les harems, il se forme également des relations de copinage et des rivalités. Les chevaux ont donc aussi leurs têtes : ceux qu’ils trouvent sympathiques et ceux qu’ils trouvent antipathiques.

Mais revenons au enseignements de l’éthologie et au groupe familial, constitué autour de l’étalon. On constate que les poulains restent près de leur mère au moins jusqu’à l’âge de 2 ans, souvent 3 ans. Ce n’est qu’à cet âge que le père repousse les poulains mâles et que les pouliches s’enfuient avec un autre étalon. Le sevrage des foals est donc très progressif. La jument ne les repousse vraiment qu’au bout d’un par rapport au cycle naturel. Du coup, les éleveurs ont recours à diverses drogues et subterfuges pour avancer la venue des chaleurs de leurs poulinières. Cette aberration n’est due qu’au règlement administratif qui prévoit que tous les chevaux prennent un an, au premier janvier. Dans les compétitions pour jeunes chevaux, les poulains qui naissent normalement au milieu de l’été sont donc pénalisés par rapport à ceux, nés de manière artificielle au début du printemps, voire à la fin de l’hiver.

Pour devenir de véritables hommes de cheval, il nous faut donc faire encore des efforts et tâcher d’aménager une vie plus naturelle à nos montures.

Pour en savoir plus : le courant de l’éthologie

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